Le 09-08-2009 • Pays : Tajikistan
Ah, la route de la Pamir... On aura tout entendu à ce sujet. Entre les 500 $ de backshish demandés par les douaniers, les problèmes avec les militaires, les organisateurs qui déclarent en plein Mongol Rally que la route est fermée mais qu'il faut faire attention si on la prend (et pas rouler après 16h), une semaine mini nécessaire pour faire la route, des pistes dans un état catastrophique, les incursions à la frontière avec les Talibans ou les Ouzbeks (au choix), les trafiquants de drogue, les mines (bon, ça, c'est vrai), les moteurs qui ne tiennent pas en haute altitude, peindre le numéro d'immatriculation sur le toit du véhicule pour faciliter le travail des hélicoptères, trafic routier à l'italienne ...
Sur notre route pour la Mongolie, dès le début de l'organisation de cette aventure, la route du Pamir a toujours fait parti des musts. Et malgré toutes ces informations discordantes et après de longues discussions, nous avons finalement décidé de nous lancer. Comme dirait Andy, Let's fucking do it!
So, we are fucking doing it! La route du Pamir est une route qui court du sud est de Tadjikistan jusqu'au nord du pays pour se terminer au Kirghizstan. Elle traverse le massif du Trans-Alay qui n'est qu'autre que la partie extrême ouest de l'Himalaya. Cette région compte parmi les plus hauts sommets de feu l'Union Soviétique, comme le pic Lénine - 7134 mètres (renommé Pic Indépendance pour faire moins connoté politique probablement).
Pendant deux journées, nous avons traversé une bonne partie du pays en partant du bas de vallées jusqu'à des cols culminants jusqu'à 4650 mètres d'altitude en passant par des plateaux de hautes altitudes. Les changements de paysages sont soudain et à chaque passage de cols ou changement de vallées, nous découvrons une végétation et des reliefs radicalement différents.
A part en haute altitude, les abords de la route sont relativement peuplés et les enfants nous font des signes en voyant la voiture (enfin, ce qui reste visible sous les couches de poussières et de boue).
Par ailleurs, une des principales inquiétudes de Rodolphe quant à la Pamir a été vaincue. Il s'inquiétait du comportement de la voiture en haute altitude mais lors de cette route, heureusement, nous avons franchis un col de 4650 mètres sans aucun problème. Une victoire que nous décidons de fêter en escaladant un sommet proche de ce col pour arriver à 4760 mètres. Le paysage est grandiose et les montagnes enneigées, majestueuses...
Il faut savoir que dans des pays comme le Tadjikistan ou l'Ouzbékistan, il est tout à fait courant d'appeler n'importe quelle voiture sur la route pour monter dedans et partager la route.
Ayant un peu de place à l'arrière et bien que l'opération nécessite un petit rangement (comprendre: on empile le bordel), ça nous arrive de nous prêter à ce jeu. Entre la grand mère qui nous remercie d'un Somoni pour la course, deux jeunes étudiants, il s'agit bien souvent d'expériences riches en couleur.
Descendu du plateau, on traverse un petit village. Deux personnes font du stop à la Tadjik. On s'arrête, ils veulent aller au village suivant à 10 kilomètres. Pas de soucis, ça fait de l'animation et d'autant plus que le passager est coiffé un magnifique chapeau style Kirgiz. Finalement, un seul monte. Samuel entame une conversation avec lui.
Comme leur tradition le veut, il nous invite à prendre un tchai... c'est-à-dire le thé (ce qui est généralement plus souvent un repas). On accepte avec plaisir d'autant que son village est en réalité un campement de yourtes et que s'y faire inviter est toujours une expérience unique.
Au menu, thé au lait de Yak, pain, crème de yack, yogourt, graisse de mouton.
Au centre de la yourte, proche du poêle, nous mangeons assis sur d'épais tapis entouré par les hommes. Les femmes restent adossées aux cloisons à nous regarder sans intervenir.
La personne que l'on a pris en stop s'avère être le patriarche du campement, Azim. Avec nos quelques mots de russe, on échange (d'où on vient, où on va, etc). Il fait venir son frère (?), de trente ans son cadet qui étudie le management à Chorog, cursus dans lequel il apprend l'anglais.
Il nous pose diverses questions (combien de frère et soeur, quel est notre salaire, etc) et jouent avec nos divers appareils (iPhone, appareils photo numériques, camescope).
Ils semblent tous très content de notre présence... mais nous remarquons que le patriarche affûte un long couteau. Il nous fait le signe bien connu d'égorgement et nous fait comprendre qu'il veut que nous prenions l'action en photo... On a peur de comprendre... et notre interprète du moment vas bien nous le confirmer.
Comme le veux la tradition en Asie Centrale, il nous explique qu'en notre honneur, ils vont égorger un mouton... On se regarde bêtement tous les trois à ne pas savoir trop quoi faire. On précise timidement que l'on est déjà assez honoré comme ça par ce repas. Ils ne veulent rien entendre. OK ! Désolé le mouton.
En tant que bons occidentaux déconnectés de cette réalité, Rodolphe et moi n'avons jamais vu ce genre de spectacle. Samuel en garde un souvenir pénible. Cependant, étant donné la signification du geste, nous nous sentons obligé d'y assister.
Deux fils d'Azim vont chercher un mouton dans le troupeau non loin de là. Je le regarde se débattre avec un sentiment de culpabilité.
Mains écartées et proches du visage, nos hôtes réalisent une prière musulmane. Le mouton est immobilisé, une bassine est déposée sous sa tête et le patriarche égorge le mouton. Je regarde le début du geste, je me retrouve plusieurs fois à détourner mon regard de l'action. Rodolphe regarde via la caméra ce qui atténue la dureté du geste. Samuel est de dos.
Quelques dizaines de secondes se passent. Plus de mouvements et nos quatre hôtes commencent à dépecer l'animal. Le choc initial est passé. Je regarde leur travail minutieux à la manière d'un cour d'anatomie. Pendant que notre pauvre mouton est entrain d'être éviscéré, ils nous demandent si on a des moutons dans notre pays. Da! Si on a des Yaks ? Niet!
Quelques heures de route plus tard, nous roulons dans une vallée avec une mauvaise piste à digérer, on se pose en bord d'une rivière pour camper. Deux frères anglais du Mongol Rally nous rejoignent. Je réussis un magnifique renversé de pâtes au sable pour ressayer avec des pâtes trop salées. Pendant ce temps là, on échange avec plaisir (ah, l'humour british) autour du Mongol Rally.
On est à 4100 mètres et la nuit nous gratifiera de jolies températures négatives (-5°C ?)
Ayant survécu à la nuit, nous passons la frontière vers le Kirghizstan, celle-ci se situe sur un col à près de 4300 mètres. Les faibles températures n'empêchent pas les douaniers de vider l'intégralité de la voiture et le contenu de nos sacs... Le Tadjikistan ayant une frontière avec l'Afghanistan, plus gros producteur d'opium, les militaires essayent d'en limiter la diffusion.
Heureusement, les fouilles se déroulent sous un ton bon enfant, un des militaires sera tout content de me montrer son fusil de sniper après vérifier mes visas pendant qu'un autre essayera de se faire offrir l'ipod de Rodolphe. S'en vient ensuite l'arrivée à la frontière Kirghiz mais entre temps, il faut traverser 20 kilomètres de no man's land via une piste apocalyptique qui nous fait nous demander à qui la zone entre les deux frontières appartient.
Arrivée côté Kirghiz, aucun problème, un record de rapidité. Et tant mieux car des Français rencontrés à Samarquand et ayant fait cette route dans l'autre sens nous avait prévenu : "Après la frontière, retournez-vous !" nous ont-ils dit... Passé la frontière, on s'y applique et le paysage qui s'offre à nos yeux est spectaculaire ! Toute la chaîne du Pamir se dévoile en panoramique. Nous admirons les pics enneigés à plus de 7000 mètres. Un au revoir apprécié ... J'y reviendrais, pas de doute.
Signé: Sylvestre
Traces GPS :
Pamir - 2
Pamir - 1